Les remparts et les forts d’Oran

Histoire succinte d’ORAN

Oran est située au fond d’une baie, par 35° 44′ de latitude N. et de 2° 98′ de longitude O. Sa forme générale est celle d’un triangle un peu irrégulier dont la mer forme la base, le Château-Neuf l’angle N.E., le fort de la Moune l’angle N. O. et le fort Saint-André le sommet au Sud. Oran est bâtie sur les deux flancs d’un ravin au fond duquel coule l’oued Rehhi. Le plateau Ouest comprend l’ancienne ville espagnole, le port et la vieille Kasba. C’est là que les Espagnols qui ont possédé Oran de 1509 à 1708 et de 1732 à 1791, ont laissé des traces nombreuses, encore visibles malgré le tremblement de terre de 1790.

Oran eut pour fondateurs en l’an 290 (902-903 de J. C.), une bande de marins andalous qui fréquentaient le port. En 297, une foule de tribus en révolte saccagèrent et brûlèrent Oran. La ville se releva et devint plus belle qu’auparavant. En 954, elle fut dévastée pour la seconde fois.
Oran est encore enlevée d’assaut en 1082 par les Almoravides, puis en 1269 par les Mérinides. En 1380, Abou-Hammou passe les Mérinides au fil de l’épée. En 1437, après être passée encore neuf fois sous différents pouvoirs, Oran jouit d’une grande prospérité sous la domination des Beni-Zian de Tlemcen.
Au début du XVIe siècle, les villes maritimes s’adonnaient presque exclusivement à la piraterie. C’est pour réprimer ces pirateries que furent organisées les expéditions espagnoles.
Le cardinal Ximenès rassembla une flotte qui arriva le 11 septembre 1503 dans la rade de Mers-el-Kebir où les Espagnols mirent le siège. Les assiégés capitulèrent le 23 octobre. Les Espagnols relevèrent les fortifications qui avaient le plus souffert, et laissèrent une garnison avant de repartir.
Mais Ximénès songeait à s’emparer d’Oran, plus à même d’offrir des moyens de s’étendre dans le pays. Une flotte imposante partie de Carthagène le 14 mai 1509, arriva à Mers-el-Kebir la veille de l’Ascension. Le lendemain, avant la fin de la journée, la bannière espagnole flottait sur la kasba. Les Espagnols ne perdirent que 30 hommes ; mais plus d’un tiers de la population musulmane fut massacré et la ville pillée.
Le premier soin du cardinal Ximénès fut d’y installer cette religion au nom de laquelle la conquête avait été entreprise. Les mosquées furent converties en églises et un hôpital fut établi sous le patronage de saint Bernard. Les fortifications de la place furent rétablies sans retard, et on y ajouta d’autres travaux.
La garnison d’Oran ne fut jamais de plus de 1500 hommes, juste bons à se protéger lcontre les incursions quotidiennes des tribus ennemies. Toute action importante nécessitait de la part de l’Espagne des envois de troupes considérables, ce qui était d’autant plus lourd que l’occupation d’Oran ne la compensait par aucun avantage.
Les Espagnols ayant laissé s’élever, sans obstacle, la puissance des Turcs en Algérie, ceux-ci les avaient chassés insensiblement de toutes leurs positions de la côte ; Oran seul résistait.
Hassen ben-Kheir-ed-Din créa aux portes mêmes d’Oran, une autorité forte et homogène, en état de résister ou d’attaquer par elle-même. Il réunit les différents pouvoirs indépendants des kaïds entre les mains d’un bey. Cette nouvelle puissance ne laissait échapper aucune occasion de harceler les chrétiens, et obtint, dans plusieurs rencontres, des petits avantages.
Lorsqu’en 1708, Philippe V monta sur le trône, l’Espagne divisée, affaiblie, n’accordait qu’une faible attention à sa possession africaine. C’est alors que Moustafa-bou-Chelar’em, bey de la province d’Oran, mit le siège devant Oran. En l’absence des secours qu’elle attendait, la place fut obligée de capituler.
Ainsi finit l’occupation des Espagnols dans l’ancienne régence d’Alger. Après 250 ans, remplis de luttes glorieuses, mais employés à s’assurer seulement la possession du littoral, ils furent fatalement conduits à l’abandon d’Oran.
Les Turcs, maîtres de la ville, s’empressèrent de démolir les constructions qui avaient coûté tant de peine à leurs prédécesseurs. Ce fut un élan général pour détruire tout ce qui existait ; il fallut changer ces demeures, faites pour les usages de la civilisation, en maisons de boue, en galeries étroites, ne prenant jour que dans l’intérieur, et destinées à cet autre ordre de moeurs et d’idées.

En 1732, le duc de Montemar avec une flotte imposante reprit possession de la ville, mais après le tremblement de terre de 1790 qui détruisit une grande partie de la ville et de ses murailles, les arabes s’empressèrent de l’attaquer. Les Espagnols étant incapables de résister, le gouvernement de Madrid négocia avec le dey d’Alger l’abandon de ce presidio. Heureusement la clause du traité conclu avec le dey, le 12 septembre 1791, qui stipulait la destruction des édifices publics et des forts construits depuis 1732 ne fut pas entièrement exécutée, et la plupart des bâtiments espagnols encore subsistants, remontent à la seconde occupation.

Oran en 1750. Document communiqué par Guy Montaner

La ville, très peu étendue, était bâtie depuis l’origine, sur le petit plateau de la Blanca, à “un jet d’arquebuse de la mer”, à l’ouest et en bordure du ravin et de son oued. C’est pour protéger ces quelques hectares de terrain qu’ils édifièrent des fortifications énormes. Ils se contentaient de surveiller le plateau de Karguentah d’où pouvait toujours leur venir une agression. (Sur le plan cavalier d’Oran et de Mers-el-Kébir, édité à Séville en 1732, et reproduit dans l’Iconographie, de M. Esquer, figure une tour de vigie “atalaya” dans la montagne au-dessus du chemin d’Oran à Mers-el-Kébir. Il n’est plus question de cette tour par la suite.)

Mohammed-el-Kébir s’occupa de repeupler la ville. Afin de donner de l’élan au commerce, il distribua à vil prix des terrains situés entre le Château-Neuf et le fort Saint-André, à la seule condition d’y bâtir sur des alignements donnés, et les livra à des juifs accourus de Nedroma, de Mostaganem et de Mascara. Ce quartier est construit sur la crête du ravin E. de l’oued-Rehhi, et forme, avec la partie qui s’étend jusqu’à la nouvelle rue des Jardins, ce qu’on appelle la ville neuve pour la distinguer de la ville espagnole ou vieille ville.

Les beys se succédèrent, devant leur élévation à des intrigues et succombant généralement à des intrigues. Gouverner, pour eux, c’était tirer du pays le plus de revenus à leur profit et à celui du dey.
Les successeurs de Mohamed El Kébir au Beylick de l’ouest, dont Oran est le siège, sont Othman, Hocine El Manzali, Mohamed Mékalléche, tous trois fils de Mohamed El Kébir, puis Hocine El Manzali encore une fois, ensuite Mohamed Errikid, frère de Mohamed El Kébir, qui sera connu sous la nom de Boukabous, ensuite Ali Kara Bargli, gendre de Mohamed El Kébir, enfin Hassan, 33ème bey, ancien cuisinier de Othman.

Hassan gouverne le beylick jusqu’en 1830 quand, après la prise d’Alger par l’armée française, une escadre commandée par le capitaine de Bournand, rentre à Mers-El Kebir. Quand Alger fut prise, Hassan voulut abandonner Oran, et sollicita la protection de l’autorité française. Après quelques jours de négociations, Hassan remet sa lettre de soumission. Mais la prise réelle de la ville se fait le 4 janvier 1831 par le général Danrémont qui trouve sur place que 2 750 habitants, dont 2 500 juifs. Le 7 janvier de cette année, le Bey Hassan est autorisé à partir à la Mecque avec sa famille et ses biens.

Le général de Faudoas prit possession définitive de la ville, le 17 août 1831.

Les portes

Oran n’eut longtemps que deux portes : (Voir le plan du Gal Didier ci-dessous)

– La porte de Tlemcen ou du Ravin, au pied de la vieille Kasba, située vers la place des Quinconces, et qui donnait accès à la partie supérieure du ravin, vers la grande source, a disparu. Mais aux abords subsistent, à l’Ouest un des bastions de l’enceinte, le bastion Saint-François, dont la haute muraille ocre domine la place des Quinconces, à l’Est le petit bastion de San-José qui porte un écusson espagnol visible en contre-bas du lavoir .

portes

A côté de ce dernier bastion, au bas de la rue des Jardins, on voit le sommet d’une tour crénelée portant également un écusson avec, sur la banderole, la date de 1738. On l’appelle le Tambour San-José à cause de son aspect bombé et de sa hauteur relative. C’était l’entrée d’un important réseau de souterrains, comme nous l’apprend la longue inscription de 1737, en un latin amphigourique qui se trouve dans l’intérieur. Cette tour a été confondue par erreur avec la “Torre Gorda” – qui existait déjà au XVIème siècle – plus éloignée de la porte de Tlemcen, et dont l’actuelle église Saint-André, elle même aménagée dans une mosquée turque, doit occuper l’emplacement.
– La porte de Canastel qui n’est autre que la voûte de la place Kléber, par laquelle on monte à l’hôpital militaire et à l’église Saint-Louis. C’était la principale entrée de la ville : Le chemin de la Marine y aboutissait ; et à peu près tout le trafic, gens et marchandises, passait par là. Des deux voûtes qu’elle comportait une seule subsiste, entre la place Kléber et la rue de Madrid. Cette porte était surmontée d’une tour carrée ; la rampe de Madrid, aplanie sous Vallejo, montait à la porte de la ville. Dans certains ouvrages cette porte est aussi appelée improprement porte de la mer qui serait plutôt la porte d’el Santo ou du Santon. (voir ci-dessous)

Didier Oran

Oran en 1535, d’après le comte d’Alcaudète (Gal Didier : Histoire d’Oran)
Le fort Saint-Philippe prendra la place de la Tour des Saints
On voit très nettement les deux portes et les routes qui partent vers l’est. Par contre d’après cette carte, la porte de la mer est distincte de celle de Canastel.
On la voit en haut et à gauche de cette carte. Ce doit être la porte d’El-Santo (ou du Santon) citée ci-dessous.

Une troisième porte, celle d’El-Santo, fut ouverte plus tard à l’Ouest ; le chemin de Mers-el-Kebir, passant sous le fort de Saint-Grégoire, y aboutissait ; l’inscription gravée au-dessus de cette porte ” AÑO D.1754 “, pourrait faire supposer qu’elle n’a été construite qu’à cette époque, sous le gouvernement de Louis-Philippe d’Arcos ; mais nous avons tout lieu de croire que la porte d’El-Santo est celle de Mallorca, indiquée sur un plan d’Oran de septembre 1732. C’est vraisemblablement la porte du Santon qui se rattachait à une importante fortification extérieure édifiée seulement vers 1754, et appelée la “Barrera”, qui servait à barrer le chemin de la Marine accessible de ce coté en venant de la montagne. L’inscription de 1599 mentionnée par Sandoval, et qui se trouvait sur le mur “de la porte condamnée”, chemin de la Marine, paraît s’y rapporter.

On compte aujourd’hui : la porte précédente, par laquelle on va à Santa-Cruz ; la porte de la Kasba, au-dessus de la porte d’El-Santo, et la porte du fort de la Moune, par laquelle on entre en venant de Mers-el-Kébir ; la porte de Tlemcen, la porte de Mascara, entre le village nègre et le faubourg Saint-Michel, et la porte d’Arzew ou de Karguentah. La porte Napoléon et la porte Saint-André ont disparu avec le reculement de la muraille crénelée ; la porte Napoléon était l’ancienne barrière de Rosalcasar défendue par un corps de garde construit, en 1140, sous D. José Vallejo. La porte Saint-André, en face de la Mosquée, était comme la précédente commandée par un corps de garde fortifié, bâti au temps des Espagnols.

Les Remparts

On peut suivre facilement dans la ville moderne le tracé de l’enceinte espagnole. Où elle a disparu, les voies en respectent le contour : de la place des Quinconces elle suivait le boulevard Oudinot qui forme encore un coude caractéristique ; à l’angle se trouvait la tour Saint-Dominique ; puis le mur atteignait la place Kléber, passait entre la rue de Madrid et la place de la République, sous le jardin de l’hôpital Baudens jusqu’à la grande voûte de la rue de l’Arsenal, rentrait un peu pour soutenir les terres à pic sur lesquelles repose l’église Saint-Louis et suivait la rue Rognon jusqu’à la porte du Santon d’où elle formait un angle rentrant pour venir s’appuyer à l’Ouest au bastion de Sainte-Isabelle, ainsi qu’au bastion nommé la garde des lions, dépendance de la Kasba. (probablement située près de l’ancienne ménagerie du palais). A l’Est de la porte du Santon, un mur bordé d’un fossé monte en lacets vers la butte voisine qui porte les ruines de la Redoute Rouge (Reducto Colorado).
La défense en était complétée par une coupure à travers la colline (cortadura) encore visible au Sud.
De la porte du Santon à la porte de Tlemcen l’enceinte de la ville se confondait avec l’enceinte de la Casbah.

remparts oran

On aperçoit bien sur cette carte agrandie du Gal Didier le contour des remparts (et les 3 portes)

Cette muraille avait 2157 mètres de tour, Casbah comprise (2557 m d’après L. Fey). Comme sa contre-partie, elle avait son point de départ à l’Est de cette forteresse. Prenant pour base la porte de Tlemcen, par où l’on arrivait de l’intérieur, on trouve : le bastion de Saint-François, immédiatement après avoir dépassé l’abreuvoir ; la tour Saint-Dominique, qui est parfaitement visible à l’angle Sud du boulevard Oudinot ; le bastion des bains : l’ancienne salle des morts de l’hôpital, dans le rentrant de l’enceinte au milieu du boulevard Oudinot ; la tour de Saint-Roch, qui a disparu presque entièrement pour faire place au bastion construit en 1852, afin de prévenir les éboulements des terres sous lesquelles repose l’aile N. de l’hôpital neuf ; la guérite des Escaliers, qui a disparu également, ainsi que les escaliers ; la guérite des Sept-Vents, qui était située sur le bord de l’escarpement avoisinant la maison d’éducation des sœurs Trinitaires ; le conduit royal, dit de la Vieille-Mère qui, s’appuyant à la Kasba, près de l’entrée de la rue Tagliamento, achève l’enceinte.

Après l’occupation d’Oran, en 1831, l’enceinte fut renforcée : Une muraille crénelée reliant d’abord le Chateau-Neuf avec le fort Saint-André, a été, plus tard, reportée au delà des faubourgs Karguentah, Saint-Michel, Saint-Antoine et du village nègre, tandis qu’à l’Ouest les anciens remparts espagnols ont été restaurés. Tous les forts et ouvrages avancés furent également remis en état. La nouvelle enceinte enferme une surperficie de 600 hectares

Dans son livre : ” Souvenir de l’excursion parlementaire de septembre-octobre 1879 ” (1880), Paul Bourde , correspondant de presse au Moniteur universel narre le périple effectué par un groupe de parlementaires en Algérie : ” On n’a plus qu’à monter sur une des hauteurs voisines pour contempler le panorama de la ville. Je l’ai vu du fort St Grégoire et j’en sais peu d’aussi intéressant, d’aussi particulier. Le sol avant d’arriver à la baie, s’affaisse brusquement en un vaste creux triangulaire où les maisons sont comme entassées. La ville est si basse qu’il semble qu’on l’a littéralement sous les pieds.
Les hauteurs qui bordent le triangle sont couvertes d’une si prodigieuse quantité de fortifications que l’œil est tout surpris.
A travers l’atmosphère que la chaleur faisait trembler, nous distinguions confusément en suivant les contours de la ville, les tours rondes du Château-Neuf, imposantes comme des rocs de granit, des bastions en fer de lance, des courtines, des redans, des créneaux, des forts en étoile, d’apais ouvrages carrés, des lignes de murs tantôt droites, tantôt en dents-de-scie et près de nous les lourdes masses de la Kasbah. Jamais on a entassé autant de pierres.”

Le Forts

fort

On voit bien sur ce plan la ceinture de forts qui entoure la ville

La vieille Kasba (Alcazzaba) ou Castillo Viejo, premier ouvrage de la Ville, datant de son origine en 903 et reconstruit en 1509, domine du S. au S. O. la Blanca et la Marine. Aucune inscription, aucun vestige d’architecture ne peuvent faire assigner une date certaine à la fondation primitive de cette forteresse. Elle remonte vraisemblablement à l’origine même de la ville. Oran devait, en effet, comme toutes les autres villes du Maghreb, être protégée par des travaux de défense dont la Kasba était le couronnement. Le promontoire dominant la cité et entouré de deux ravins profonds en désignait l’emplacement.
En 1509, après la prise d’Oran, le gouverneur arabe en remit les clefs au cardinal Ximénès. Ces clefs sont aujourd’hui conservées au Musée archéologique national de Madrid. (Cf : Esquer, Iconographie historique de l’Algérie, planche III, n° 9).
Ce sont le seul reste de la Casbah antérieure à la conquête des Espagnols : Ceux-ci la reconstruisirent de fond en comble. Il paraît même que ce fut avec une économie dont le secret est perdu aujourd’hui. L’inscription suivante placée à l’entrée Est de la Kasba en fait foi :

EN EL ANO D. 1589 SIN COSTAR A SU MAGESTAD MAS QUE EL
VALOR DE LAS MADÈRAS HIZO ESTA OBRA DON PEDRO DE
PADILLA SU CAPITAN GENERAL I JUSTICIA MAYOR DE ESTAS
PLAZAS POR SU DILIGENCIA I BUENOS MEDIOS

“L’an du Seigneur 1589, don Pedro de Padilla, capitaine général et, grand justicier de ces places, fit construire cet édifice sans autres frais pour Sa Majesté que la valeur des bois.”

Pendant la première occupation turque Bou Chelagram y établit sa résidence ; les bâtiments Nord qui regardent la ville doivent lui être attribués. Le tribunal militaire serait son ancien harem. Au XVIIIè siècle, les Espagnols y firent de grands travaux de défense et bâtirent dans la partie supérieure, le palais du gouverneur, les services du gouvernement et un quartier pour la troupe, tous détruits par le tremblement de terre de 1790.
Un des bastions N. de la Kasba regardant la ville, le bastion des artilleurs, baluarte de los artilleros, aujourd’hui démantelé, porte engagée dans sa maçonnerie une longue inscription tronquée par les balles turques et sur laquelle on lit le nom de Charles II et celui de Requesens, baron de Castel-Viros, gouverneur d’Oran de 1665 à 1682, qui fit construire les remparts de la Kasba, du côté de la ville.
Bou-Chelar’em habita la Kasba pendant 24 ans, jusqu’en 1732. Trois inscriptions, placées dans trois cours différentes, mentionnent les travaux qu’il fit exécuter pour la construction de deux bains et d’un magasin. La Kasba se divisait alors en deux parties bien distinctes : le palais proprement dit, demeure des gouverneurs espagnols, habité également par Bou-Chelar’em, situé dans la partie haute et comprenant des hôtels, une chapelle, une ménagerie; la partie inférieure renfermait le casernement militaire et civil, l’arsenal et la poudrière ; la partie centrale, dont le local est affecté au conseil de guerre, était occupée par les femmes du bey.
Bou-Chelar’em dut abandonner Oran et la Kasba, devant les troupes du comte-duc de Montemar, en 1732.
Dans la nuit du 8 au 9 octobre 1790, la haute Kasba, ébranlée par un tremblement de terre, croula de toutes parts, couvrant de ses débris une partie de la ville. Mohammed-el-Kébir accourut alors de Mascara pour prendre Oran et tenta vainement de s’emparer de la Kasba ; ce ne fut qu’à la suite de négociations qu’il entra plus tard dans la ville et dans les forts.
Après 1831, la vieille Kasba a servi de caserne ; mais le palais des gouverneurs espagnols et de Bou-Chelar’em n’a pas été relevé.
La Kasba communique avec la ville au moyen de deux portes dont l’une correspond à l’ancienne voirie et l’autre à une rue carrossable ouverte par le génie.

L’enceinte de la Casbah est de forme triangulaire, avec angle ouvert du coté de la ville. La partie fortifiée vers la campagne comprend deux systèmes de défense superposés ; le plus ancien se composait d’une muraille flanquée de place en place de grosses tours rondes ; à quoi les Espagnols ajoutèrent au XVIIIè siècle un certain nombre d’ouvrages avancés. Parmi ces derniers signalons “la Campana” (La cloche), tour située à l’extrémité Sud, et qui servait à relier la ville aux forts de Saint-Grégoire et de Santa-Cruz par un système de signaux.
En avant de la Campana, fut édifiée, au XVIIIè siècle, une tenaille double. (On appelle ainsi une fortification présentant vers la campagne un angle saillant encadré de deux angles rentrants.)
De ce coté, la défense était complétée par les deux fortins de San-Pedro et de Santiago, situés le premier au Sud-Est sur le mamelon de la Teneria, le second au Sud-Ouest sur le mamelon de la Palomera et aujourd’hui ruinés. (On appelle souvent le fort San-Pedro la lunette de la Campana. Certains auteurs l’ont pris pour l’ouvrage de la Campana lui-même). Reconstruits par Vallejo, ils étaient de forme pentagonale avec fossés et glacis. Dans le fossé de Santiago s’ouvrent deux ou trois entrées de souterrains. Au-dessus de la porte on distingue encore le cadre qui contenait l’inscription de 1737 rapportée par Sandoval .(On appelle souvent le fort San-Pedro la lunette de la Campana. Certains auteurs l’ont pris pour l’ouvrage de la Campana lui-même. Ce qui est moins explicable, on a confondu le fort Santiago avec la lunette Saint-Louis, aujourd’hui complètement disparue, et qui se trouvait à l’Est du fort Saint-André, vers l’entrée du boulevard Joseph Andrieux.)

fort de Santiago

Le fort de Santiago

Une muraille partant de ce fort pour rejoindre la faille au dessus du jardin Welsford, barrait la colline de la Palomera, dont l’extrémité inférieure était d’autre part défendue par la Redoute Rouge.
Sur la face Est on remarque le bastion ou ravelin de Saint-Jacques encore orné sur deux de ses faces d’écussons ; puis le petit bastion d’El Rosario (du Rosaire) qui rejoignait la porte de Tlemcen.
Si l’on pénètre dans la Casbah par la rampe qui part de la place des Quinconces, après avoir passé entre deux murailles jointes de temps en temps par de petits arceaux, on atteint la tour connue sous le nom de porte d’Espagne, mais que ne mentionnent point les anciens documents. L’ornementation sculpturale de la tour d’Espagne se composait de trois registres superposés, encadrés de colonnes cannelées et de pilastres. La tour d’Espagne était vraisemblablement au XVIème siècle l’entrée de la citadelle, en admettant que les Turcs, sous Bou Chelagram, aient édifié le bâtiment actuel de façade en retrait d’une ancienne construction espagnole.
La porte d’entrée de la Casbah est surmontée d’une des trois inscriptions turques citée par Fey, qui commémorent respectivement la construction de deux bains et d’un magasin aux environs de 1720. A l’intérieur, aucun bâtiment espagnol ne subsiste.

Le Château-Neuf (1347)

Vue d’ensemble

Pointe du chateau-neuf et pavillon de la Favorite

Autre vue de la pointe du Château-Neuf avec le pavillon de la Favorite

 

Deux vues du château-neuf.
Dans celle du dessous (2007) on peut voir l’envahissement des constructions aux pieds des murailles.

L’ancien château de Rosalcazar aujourd’hui appelé Château-Neuf, était le plus vaste de l’Oran espagnol. Les hautes murailles de son enceinte dominent à l’Ouest la place de la République, au Nord la promenade de Létang, à l’Est la promenade du Petit Vichy, et suivent au Sud la rue du Cercle militaire et l’avenue du Château-Neuf.
Elle englobe les deux ouvrages avancés construits au XVIIIè siècle pour protéger les faces de l’Est et du Sud qui étaient les plus exposées, à savoir le Ravelin de Saint-Ignace et le Ravelin Neuf.
En dépendaient également le fort de Ste-Thérèse, qui était situé sur un éperon rocheux au dessus de la plage du même nom, et fut démoli récemment lors des travaux d’agrandissement du port, et le fort Saint-Michel, à l’Est du ravin du Petit Vichy.

L’enceinte de Rosalcazar renferme le plus ancien édifice d’Oran, le donjon qui en occupe l’angle Nord-Ouest. Les Espagnols l’appelaient “le donjon des Maltais” ou “les tours des Maltais”, car une tradition incontrôlable en attribue l’origine à l’ordre de Malte, une commanderie maltaise de l’ordre de Saint-Jean de Jérusalem, autorisée à s’établir sur ce point de la côte, ce qui paraît peu probable.
Il est plus vraisemblable, comme le pense M. Lespès, qu’il fut bâti vers 1347, date de son passage à Oran, par le sultan mérinide de Fès, Abou Lhassen, grand conquérant et grand constructeur, à qui on doit entre autres la mosquée de Sidi Bou Médine, et qui aurait aussi jeté les fondations du fort de Mers-el-Kébir.

C’est une construction de forme étoilée à trois grosses tours séparées par trois courtines. Ces tours apparentes seulement à l’extérieur, font corps avec le reste du bâtiment; leur hauteur ne dépasse pas le niveau des courtines. Au milieu se trouve une cour rectangulaire sous laquelle est creusée une vaste citerne mentionnée par Hontabat et encore en usage actuellement. Au Sud de la cour d’entrée un souterrain éboulé dont on ignore la destination ; au sommet du bâtiment, un chemin de ronde intérieur permettait aux défenseurs de circuler à l’abri et hors de vue.Les murs ont deux mètres d’épaisseur ; aucune inscription, aucun détail ornemental ne permettent d’identifier d’une façon certaine l’origine du donjon. Ces tours constituaient, avant l’expédition de Ximénès, le seul ouvrage commandant Oran, sur la rive droite de l’oued-Rehhi. A l’Est il y a une quatrième tour moins haute, et se terminant au sol par un glacis pareil à une énorme excroissance. Dans l’état actuel des lieux on ne comprend pas quel en était l’usage. Elle devait se rattacher à d’autres constructions maintenant disparues.

Toujours est-il que l’ensemble de ces travaux était connu sous le nom de Bordj-el-Mehal, le fort des Cigognes, et Bordj-el-Ahmar, le fort Rouge, dont les Espagnols firent Rosas-Cajas, “les maisons rouges” devenues Rosalcazar. (Ce mot viendrait en réalité de l’arabe ” ras el cacer” (tête de la forteresse).

Le premier gouverneur espagnol établit son quartier à Bordj-el-Ahmar ; d’autres travaux d’agrandissement, commencés en 1563, après la retraite du pacha Hassen-ben-Kheir-ed-Din, furent continués jusqu’en 1701 ; cette dernière date est consacrée par une inscription surmontée de l’écusson royal d’Espagne, portant les noms de Philippe V et du marquis de Casasola et placée sur la face droite du demi-bastion de gauche, dans le front qui longe le ravin.
Bordj-el-Ahmar était devenu par ces travaux le Château-Neuf ; sa prise par les Turcs en 1708 suivit de près celle d’Oran, et les cinq cents hommes qui le défendaient furent faits esclaves.
Une inscription placée sur la porte d’entrée du Château-Neuf rappelle que, “sous le règne de Charles III et sous le commandement de don Juan Martin Zermeno, on fit cette porte, on construisit les voûtes pour le logement de la garnison, et l’on réédifia le château en ce qui concerne la partie qui regarde la mer.”
Une deuxième inscription en arabe, placée au-dessus de la précédente, donne l’année de la reddition d’Oran par les Espagnols en 1791, reddition obtenue par le bey Mohammed-el-Kebir.
Le Château-Neuf devint la résidence des beys d’Oran. Le pavillon destiné au harem était un séjour aérien, situé au point culminant du château. Le bey, du haut de ce joli kiosque, plongeait son regard dans toutes les maisons placées sous ses pieds et étendait ainsi sur la ville son invisible surveillance. Un jardin de roses et de jasmins séparait ce pavillon du corps du palais, dans l’intérieur duquel étaient deux parties bien distinctes : l’une, l’habitation du bey, l’autre, palais proprement dit, où il trônait en souverain absolu. Une galerie couverte les mettait en communication.
A droite de la porte d’entrée du Château-Neuf, surmontée de deux inscriptions superposées, l’une espagnole de 1765, l’autre turque de 1792, on voit les neuf voûtes d’une construction solide et élégante élevée vers 1770 pour servir de logement à la troupe.
En face, chose assez rare, des latrines portent une inscription de 1769 récemment remise à jour.
Dans la cour, à l’Est, se trouve la porte d’une large galerie souterraine voûtée en pierre de taille, ou poterne, qui menait au fossé du château.
Les autres bâtiments anciens à l’intérieur du Château Neuf sont turcs, ou bien remaniés par les Turcs.

Le fort de Lamoune (1518)

Le fort Lamoune, sur le cap rocheux par lequel l’Aïdour se termine dans la mer, fut élevé sur l’emplacement même des magasins de Ben Zouaoua, par D. Diego de Cordova (Le seul monument épigraphique qu’on pouvait y lire, portait la date de 1563, l’année peut-être de travaux de réédification).
Le fort de la Moune, de la Guenon, Castilla de la Mona, est ainsi appelé à cause de bandes de singes qui en auraient occupé les environs (interprétation contestée) ; il est connu également sous le nom de Bordj-el-Ihoudi, le fort du juif, que lui ont donné les indigènes, pour éterniser la trahison d’un juif nommé Ben-Zouaoua, d’après Marmol Cetorra, qui, d’accord avec D. Diego de Cordova, aurait facilité la prise d’Oran par les Espagnols, en introduisant nuitamment une partie des troupes dans ses magasins situés près d’une des portes de la ville, sur le bord de la mer.
Le fort de la Moune fut emporté d’assaut et sa garnison passée au fil de l’épée par les Turcs de Bou-Chelar’em en 1708. Le comte de Montemar le fit restaurer en 1732.

Le fort Saint-Thérèse (1557)

Situé au N. E. du Château-Neuf et surveillant la plage de Karguenta, ce fort aurait été bâti par le comte d’Alcaudète en 1557-1558. Il a été reconstruit de 1737 à 1738 par don José de Vallejo. C’est dans ce fort que Othman-ben-Mohammed, 27è bey, déposa toutes ses richesses lorsque, pour échapper à la mort, il voulut prendre la fuite par mer. Othman, devint plus tard bey de Constantine et périt chez les Kabiles de l’oued-Zehour.

La batterie du Petit-Maure, el Morillo, ou de Santa-Anna, placée au-dessous de la promenade du Château-Neuf et armée de quelques pièces de canon pour la défense de la côte, a été élevée de 1740 à 1741 sous don José Vallejo. La batterie santa Anna sert actuellement de belvédère à la promenade de Létang.

Le fort San-Miguel,

qu’il ne faut pas confondre avec le fort du même nom, situé au-dessus de Mers-el-Kebir et ruiné par Hassen-ben-Kheir-ed-Din, commandait le ravin qui sépare Oran de Karguenta, à l’est du Château-Neuf, Le fort San-Miguel, qu’on appelait encore Bordj-el-Francès, bâti en 1740, a été démoli par Mohammed-el-Kebir, en 1791.

Le réduit Sainte-Barbe

placé à l’angle que fait le mur d’enceinte entre le Château-Neuf et le fort Saint-André, c’est-à-dire à 400 mètres de l’un et de l’autre, a été construit en 1734, sous le gouvernement de D. José Vallejo ; il a probablement remplacé un autre ouvrage désigné sous le nom de Tour Gourde, sur le plan de 1707. Le réduit de Sainte-Barbe servait de prison préventive pour les indigènes.

Le fortin ou lunette Saint-Louis,

à droite de la route de Tlemcen, et à 200 mètres du fort Saint-André, a été construit en 1736, sous le règne de Philippe V, par D. José Vallejo, ainsi que le constate la longue inscription latine que l’on peut lire sur la porte d’entrée de cet ouvrage.

Les fortifications qui entourent Oran se répartissent en deux groupes : celles qui dominent le ravin à l’Est, dont les principales étaient les châteaux de Saint-Philippe, Saint-André et Rosalcazar ; et celles de l’Ouest, bâties sur le pic de l’Aïdour, les châteaux de Santa-Cruz et de Saint-Grégoire. (Les châteaux “Castillos” au nombre de cinq, avaient chacun un gouverneur, ordinairement du grade de lieutenant-colonel. Un certain nombre de forts détachés, de batteries et de postes dépendaient de chacun de ces cinq châteaux.)
L’ancien château Saint-Philippe,
ou fort des Beni-Zeroual, édifié d’abord au XVIè siècle a été construit sur l’emplacement du château des Saints, Castillo de los Santos ; élevé par le marquis de Comarès, après la prise d’Oran, sur un des points culminants des mamelons ravinés qui entourent Oran, et dont la prise par Hassen-Corso, en l556, et la destruction par Hassen-ben-Kheir-ed-Din, en 1563, avaient démontré la nécessité d’un ouvrage moins exigu ou moins vulnérable.
Bou-Chelar’em, chassé d’Oran en 1732, revint à la fin de cette année pour reprendre la capitale de son beylik ; son attaque se porta principalement sur Saint-Philippe, mais il dut se retirer devant le courage des défenseurs.
Les assauts de Mohammed-el-Kebir, repoussés en 1791 par les gardes wallones au fort Saint-Philippe, ont rendu célèbre le nom du chevalier de Torcy. A l’attaque du 18 septembre 1791, le contingent des Beni-Zaroual du Dahra, fut presque anéanti dans une lutte entre le bey de Mascara et les Espagnols, et c’est depuis ce combat que le fort de Saint Philippe reçut le nom de Bordj-Beni-Zeroual, qu’il conserve encore chez les indigènes. ” (L. Fey.)
Le fort Saint-Philippe, démantelé par ordre du pacha d’Alger après la capitulation d’Oran en 1791, a été réparé depuis notre occupation.
Les ruines qui recouvrent la poudrière du camp Saint-Philippe donnent une idée de la perfection et de la solidité de la construction espagnole où se mêlaient pierres et briques. Une butte élevée à l’Est figure l’ancien cavalier. (On appelait cavalier un tertre dominant les remparts de l’intérieur, et où l’on plaçait de l’artillerie).
Des deux fortins qui flanquaient le château Saint-Philippe au Sud, l’un San-Carlos, en bordure de la route de Tlemcen, a fini de disparaître.
L’autre dont on trouve les ruines en avant de Saint-Philippe, est San-Fernando ou Bordj-Bou-Benika, nommé également Bordj Ras-el-Aïn. Il avait été construit par le comte d’Alcaudète, de 1557 à 1558, après l’expédition d’Hassen-Corso, et fut détruit lors de la prise d’Oran, en 1708. Ses voûtes ont été converties en maison d’habitation.

Dans le fossé on trouve une ouverture donnant accès à trois souterrains qu’il est difficile de suivre longtemps à cause de la bassesse des voûtes et des ramifications continuelles. Hontabat appelle cela le labyrinthe. “Ces conduits, dit-il, sont destinés à rencontrer partout l’ennemi de manière à être toujours en état de le faire sauter”. Et cela, au moyen de fourneaux de mines, comme il l’explique ailleurs.
Du château Saint-Philippe au château Saint-André, une muraille continue longeait le ravin ; des vestiges en subsistent dans le camp Saint-Philippe.

Le château Saint-André (1693)

La forteresse de Saint-André était polygonale à douze pointes avec plateforme intérieure rectangulaire avec six bastions. Il était prévu de nouveaux bastions, des ravelins et des batteries ainsi qu’un réduit indépendant avancé.
Elle est considérée comme fondamentale dans l’ensemble défensif oranais et devint un des chefs-d’oeuvre de l’architecture militaire espagnole de l’Ancien Régime. Le 4 mai 1769, il fut détruit par la foudre qui était tombée sur la poudrière et avait fait sauter 1712 quintaux de poudre. Toute la garnison avait été tuée, (trois compagnies du régiment de Zamora) sauf le gouverneur, sa femme, sa fille et un capitaine qui avait été enseveli sous les décombres pendant 8 heures.
En 1772, on prévoyait une forteresse pratiquement indépendante, capable à elle seule de soutenir un siège isolé. Un passage souterrain reliait Saint-André avec le château Saint-Philippe.
Tiré des “Plans et cartes hispaniques de l’Algérie (XVIè-XVIIè siècles)” Faculté de lettres de Murcia

Appelée couramment porte de la poudrière

Appelé aussi “Bordj-ed-Djedid”, “le Fort-Neuf”, “Bordj-es-Sbahihia”, “le fort des Spahis”, il est situé entre le fort Saint-Philippe et le Château-Neuf. Il a été construit en 1693. Il figure sur le plan portant de 1707, placé entre le fort Saint-Philippe et la Tour Gourde, et domine le village d’Yffri ou Yfre, où demeuraient les Maures de paix, dont il était séparé par l’oued-Rehhi :
Le fort Saint-André a été remis en état de défense après 1831, pendant le commandement du général Boyer.

Après le château de Saint-André, la muraille bordant le ravin continuait jusqu’au Rosalcazar. Entre les deux se trouvait la redoute de Ste-Barbe (1739) dont une vue conservée à la Société de Géographie d’Oran nous restitue l’aspect.
Une autre ligne fortifiée formant angle avec la précédente, et qui existe encore, celle-là, avec son fossé et ses guérites de pierres, partait des abords du château Saint-André et descendait jusqu’au fond du ravin rejoindre l’enceinte de la ville à la porte de Tlemcen.( Le plan de 1786 désigne ainsi cet ouvrage : “La linia y el fossé que sigue hasta la bateria de San Antonio”. “La ligne fortifiée et le fossé qui se continue jusqu’à la batterie de Saint-Antoine”. Cette batterie a disparu.)
Le fort de Santa-Cruz, (1698 à 1708)

Couronnant le sommet du pic d’Aidour, à 400 mètres au-dessus de la mer, il a pris le nom du gouverneur D. Alvarès de Bazan y Sylva, marquis de Santa-Cruz, qui la fit construire de 1698 à 1708. ( Cette paternité est contestée. Il ne s’agit que d’une similitude de nom. Le fort a été ainsi appelé parce que sa construction a été entreprise le jour de la Sainte-Croix.) Les indigènes l’appellent Bord-ed-djebel, le fort de la montagne, ou bien encore Bord-el-Mourdjadjo, du nom de cette montagne.Les Arabes disent que, lorsqu’il fut question de commencer les travaux, on ne savait comment faire arriver à une si grande hauteur l’eau nécessaire à la préparation du mortier. Les moyens de transport faisaient défaut, lorsqu’un chef des Hamian offrit aux Espagnols toutes les outres de sa tribu dans lesquelles on transporta l’eau à dos d’hommes.
Il fut pris d’assaut après deux jours de siége, en 1708, et sa petite garnison, 106 hommes et 6 femmes, fut faite prisonnière.
Attaqué en 1145, par Bou-Chelar’em, qui en fit sauter une partie au moyen de la mine, le fort Santa-Cruz tint bon, et Bou-Chelar’em dut renoncer à ses projets de reprendre Oran, et battre en retraite sur Mostaganem. Rasé en 1735, à l’exception du ravelin ou demi-lune que l’on voit encore aujourd’hui, le fort fut complétement reconstruit, et terminé en 1738, sous José Vallejo.
Mohammed-el-Kebir le fit miner sans résultat en 1790, et n’en devint maître que par la reddition d’Oran. Il le fit démanteler par ordre du pacha d’Alger, qui redoutait la puissance de son lieutenant. En partie détruit, Santa Cruz fut restauré de 1856 à 1860.
En avant du château, se trouve le ravelin de la Brèche, sur la gauche du côté de la montagne, construction massive, sans aucune ouverture, séparée du fort proprement dit par un large fossé, et d’où devait se porter l’effort principal de la défense.
C’est encore pour interdire l’accès du fort de ce côté que Vallejo fit creuser le roc en avant du ravelin et tailler l’arête qui joint le fort au col de Santa-Cruz.
Mais en 1770, Hontabat conçut un plan hardi destiné à isoler le fort de la Mesata. Il avait commencé à la mettre à exécution quand les attaques redoublées des Turcs l’obligèrent à y renoncer .
A quelques mètres au dessous du château, à côté de la chapelle, on rencontre les ruines de la redoute de Santa-Cruz, qui était un poste avancé de la forteresse.

Le fort St-Grégoire (1589)

Les Arabes l’appellent Bordj-Hassen-ben-Zahoua, a été construit en forme d’étoile irrégulière avec les matériaux et sur l’emplacement d’un château au sommet duquel, au dire de l’historien Gomez, on voyait briller pendant la nuit un feu qui rappelait le phare des Grecs. Saint-Grégoire complétait ainsi avec Lamoune la défense d’Oran du côté de l’Ouest et gardait en même temps le chemin de Mers-el-Kebir, qui, à cette époque, passait à mi-côte du Murdjadjo. L’inscription suivante, recueillie avec beaucoup d’autres par L. Fey, nous donne la date de la construction du fort Saint-Grégoire : ” L’an 1589, le roi don Philippe II régnant dans les Espagnes, don Pedro de Padilla, son capitaine général, fit achever ce château.”
A la prise d’Oran en 1708, le fort Saint-Grégoire fut attaqué par Hassen, khalifa du pacha Mohammed-Baktache, commandant les Turcs avec Bou-Chelar’em. Ce ne fut qu’après un siége de 37 jours, et après avoir été minée trois fois, que la forteresse fut enlevée d’assaut et son héroïque garnison massacrée presque entièrement.
On dit que le fort Saint-Grégoire fut occupé par le général de Damrémont le 16 décembre 1830 ; il a été réparé en 1845. Il servit de prison militaire.

Les Forts de Mers-el-Kébir

Le Fort de Mers-el-Kébir a joué un grand rôle dans les attaques contre Oran

En particulier un petit fort qui se trouvait sur la montagne et qui participait à la défense de Mers-el-Kébir, le fort San Salvador qui a complètement disparu.
Il fallait prendre d’abord ce fort avant de pouvoir accéder à celui de Mers-el-Kébir.
Il est simplement cité dans divers ouvrages :
Revue Africaine de 1871 n° 15 : ” Le capitaine Balthazar de Morales qui se distingua et reçut deux blessures dans la défense du fort de la montagne de Mers-el-Kébir”…
(Oran, au temps du comte d’Alcaudète)
Dans un vieux guide bleu : “Mers-el-Kébir est accrochée à l’extrémité d’un promontoire rocheux détaché du djebel Santon, où s’avance un vieux fort à saillants obliques et échauguettes”.
Voir aussi volume des plans page 211 (fort San Salvador)

Liste des forts en 1971

Liste des forts à l’époque où Mohamed el Kébir investit Oran. (1791)

1°) Bordj el Mourdjadou : Santa Cruz – Armé de 30 pièces d’artillerie
2°) Bordj el Ihoudi : Le fort du Juif – Saint Grégoire. Il était à l’Ouest et avait aussi 30 canons
3°) La Punta de la Mouna – Au dessous du bordj précédent, au bord de la mer – quatre canons
4°) Saint-Jacques
5°) Un petit bastion armé de deux canons nommé La Barrera
6°) La Campana – ouvrage avancé de la Casba – armé de 10 pièces
7°) Saint Pierre – Autre défense de la Casba – 4 pièces
8°) Sainte Isabelle – ouvrage avancé défendant les abords de la Casba – 6 pièces
9°) Un autre fortin ou bastion ayant la même destination que les quatre précédents appelé : La Garde des Lions – 6 pièces
10°) Condoucto – Conduit – quatre canons
11°) La Léna (le bois à brûler) situé en face de la porte – 4 canons
12°) Bordj el Ahmar (Le château rouge). Ce fort était pour l’étendue le plus considérable de la ville. Une série de bastions le faisait arriver jusqu’à la porte d’Oran. 300 pièces (exagération) Le fort du Juif lui faisait face sur le côté Ouest.
13°) Bordj el Francès – Le fort français (San Miguel). Ce petit fort était en arrière du bordj el Ahmar – 12 pièces
14°) Sainte Thérèse – Du côté de la mer – 12 canons
15°) Une fortification au centre de la ville dont le nom est ainsi figuré Bolovarte (boulevard en termes de fortifications) 20 pièces
16°) Saint Nicolas – Au-dessus de la porte de Tlemcen – 6 pièces
17°) Saint- Joseph : au dessus du moulin – 3 pièces
18°) Sainte Anne : en avant de Ste Thérèse – 9 pièces
19°) Bordj el Djedid (Le fort neuf) Saint-André : En avant de la ville du côté de la plaine – 100 pièces. Une petite batterie de 3 canons lui servait de poste avancé et entre lui et le bordj el Aïoun (voir plus bas) on avait établi une batterie de 16 pièces appelée La Batterie neuve.
20°) Saint-Louis – Petit fort de 6 canons en arrière du précédent.
21°) Bordj el Aïoun (le fort des sources) Saint-Philippe – Au midi d’Oran, armé de 80 pièces
22°) Saint-Charles – en arrière du précédent – 7 pièces
23°) Bordj bou Beniqa – Saint Ferdinand – Faisant face à Saint Philippe 6 canons. Au dessous de ce fortin, une tour portant 3 pièces
24°) Bordj el Aïn (le fort de la source) Petit fortin au-dessous de Bou Beniqa. Les arabes changèrent son nom en le fort de Beni Zaroual..
25°) Une tour nommée Torra Gorda (La grosse tour) portant 45 pièces

Le détail de toutes ces fortifications suffit pour donner une idée de la résistance invincible qu’Oran, muni d’une garnison suffisante, pouvait opposer à des armées d’Arabes, en général dépourvues de puissants moyens d’attaque et de connaissances suffisantes dans l’art des sièges. Tous les grands forts de la ville étaient entourés de fossés profonds, dont le bord était garni d’énormes palissades armées de fer. Il faut donc attribuer l’abandon de cette place aux grands événements qui agitaient l’Europe. La révolution française, menaçante pour tous les trônes, avait aussi forcé l’Espagne à concentrer tous ses moyens sur son propre territoire, et à négliger les intérêts de sa possession d’Afrique pour des intérêts d’une toute autre importance.

A la suite du terrible tremblement de terre qui détruisit une partie de la ville d’Oran, Mohamed el Kébir saisissant l’occasion vint mettre le siège devant Oran. Mais Les Espagnols résistèrent pendant plusieurs mois avant de demander à Madrid d’intervenir. L’Espagne négocia l’évacuation d’Oran. Hassan accepta ces propositions et, dans les premiers jours de moharrem de l’année 1206 (1791), Un traité fut signé dont voici les conditions principales (extraits) :
Les Espagnols s’obligeaient à rendre la place telle qu’elle était du temps de Bou-Chelar’am, avec les forts existants à cette époque et l’artillerie dont la ville et ces forts étaient armés, c’est-à-dire plus de cent pièces.
Ils pouvaient, à leur gré, démolir toutes les constructions et fortifications postérieures à la prise d’Oran sur Bou-Chelar’am.
Un délai de 4 mois était donné aux habitants d’Oran pour évacuer la ville. Ce délai expirait officiellement le premier janvier suivant. (1792)

Un patrimoine à l’abandon

Bien que daté du début des années 2000, ce texte a été conservé car il est un témoignage important.

La plupart de la trentaine des forts d’Oran, construits à travers plusieurs époques historiques et qui constituaient le système défensif de la ville, sont actuellement dans un état de délabrement avancé.

A Bab El Hamra, quartier situé entre Sid El Haouari et Les Planteurs, existent quelques forts actuellement habités par des occupants indus. Celui de Santa Barbara, dont la construction remonte à l’époque de l’occupation d’Oran par les Espagnols (1550-1780), a été squatté par huit familles depuis le début des années 80, nous affirme un citoyen s’intéressant aux richesses historiques de sa ville. Le fort de Santiago se trouvant dans le même périmètre et bâti à la même époque connaît le même sort. Six familles y trouvent refuge et ont fini par dénaturer son aspect par un autre matériau de construction. Quant à celui de Saint-Grégoire, se trouvant lui aussi à Bab El Hamra, il est dans un état de dégradation totale.

Pas loin de là, le fort Saint Pedro, sur les hauteurs de la vieille Casbah, dont on doit la construction en 1737 à Vallejo gouverneur espagnol de la place d’Oran, n’échappe pas à la règle puisqu’il abrite, lui aussi, des familles issues de l’exode rural des années 80 aggravant la crise de logement. L’état de ce monument historique est encore rattrapable. Derrière la forteresse Saint-Pierre, une muraille défensive du côté sud de la Casbah, s’abritent des familles qui ne sont pas logées.

Le Donjon rouge (Le Château-Neuf) élevé en 1439, à l’époque mérinide, subit toutes sortes de détériorations puisqu’il est squatté par les 14 familles qui ont participé à l’élévation de la carcasse de l’hôtel Château-neuf (2)depuis la fin des années 70. Pour la petite histoire, à quelques dizaines de mètres existe le siège de la circonscription géographique, institution censée protéger les monuments et les vestiges historiques. Dans ce même endroit, et plus exactement dans l’enceinte du Château-neuf, le fort Saint-Louis est devenu méconnaissable parce qu’il est en ruine. A l’extrémité du quartier Derb, ancien quartier juif, le fort Saint-André datant lui aussi de l’époque espagnole et occupé par l’ANP se trouve dans un mauvais état de préservation.

A ce sujet, l’ANP a joué un rôle contradictoire dans la conservation de ces monuments. C’est grâce à elle que certains d’entre eux ont pu échapper aux actes de vandalisme et à toute sorte d’atteintes. Fort Lamoune, sur la route de la corniche juste à la sortie d’Oran, a été transformé en cabaret à l’époque du célèbre Frik Bachir, ancien wali d’Oran, au point que cet édifice historique donnant sur la mer a été surnommé « Fort l’amour ». L’armée a récupéré le site pour en faire un siège de la gendarmerie nationale.

Quant au fort Saint-Philippe, il a été tout bonnement rasé par l’ANP au début des années 70, et une coopérative de consommation au profit des militaires a été construite sur l’assiette du terrain qu’il occupait.

De même, le fort de Santa Cruz bâti en 1563 fait l’objet de toutes sortes de saccages depuis qu’il a été abandonné par l’ANP en 1993. La pierre taillée avec laquelle il est construit est très prisée parce qu’elle est revendue à ceux qui construisent des villas dans des endroits chics d’Oran, dit-on. A noter que cet édifice est classé depuis 1954.

D’une manière globale, les autres forts, considérés aujourd’hui comme monuments historiques, n’ont jamais été classés. (1)
Au lendemain de l’indépendance, ces édifices symbolisaient l’occupation coloniale et ses affres. Cette méprise a ouvert la voie à leur abandon, ce qui est fort préjudiciable.
Article tiré du site http://tasacora.iquébec.com, avec l’autorisation de son auteur : Ziad Salah

(1) Faux. La majorité des sites du Vieil Oran a été classée du temps de la présence française.
(2) Cette carcasse est fort laide et défigure la ville car elle se voit de partout. Elle est là depuis plus de 40 ans sans que personne ne songe à la démolir

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