Le General de Letang

Le Général et sa rosière

Si tous les ans on fête une rosière à Meulan (Yvelines), c’est grâce au général baron Létang, celui-là même qui a donné son nom à la célèbre promenade oranaise.
C’était une figure militaire curieuse que Georges Nicolas Marc Létang. Dans ” Mes souvenirs “, le général du Barail lui a consacré quelques pages : ” Tout petit, les cheveux roux, il avait l’air d’un gamin et, pour augmenter encore cette apparence juvénile, il portait la veste ronde et la casquette plate dont on affublait en ce temps là les lycéens “, (cité par E. Cruck, Oran et les témoins de son passé, Oran, Imprimerie Heintz Frères, 1956).

Le 8 avril 1995, les Meulanais s’étaient rassemblés devant la mairie pour La photo du siècle et le vernissage de l’exposition Meulan, 1884-1970. Mémoires.
Ils furent 677 à venir, dont … 22 rosières ; la plus ancienne avait été couronnée en 1942 et la plus récente en 1994. Dans le catalogue de l’exposition on remarque (p. 90) la rosière de 1929, au bras du maire, et la médaille qui lui avait été offerte par la Fondation général baron Létang.
Les idées de la photographie et de l’exposition, cette mise à l’honneur de l’histoire sentimentale de Meulan, sont dues à P. J. Trombetta, archéologue, et conseiller municipal délégué aux Affaires culturelles.
La Donation par Mme la baronne Létang à la ville de Meulan est conservée aux Archives municipales. Elle a été signée par la baronne Hortense Létang, en la présence de sa fille Anna, mineure, seule héritière de feu son père, le 19 janvier 1867. On y apprend que le général ” avait eu continuellement la pensée et le désir de faire la fondation annuelle d’une rosière dans le but de maintenir la jeunesse dans les bonnes mœurs, la piété filiale et le travail ” . D’où cette donation d’une rente annuelle et perpétuelle de cinq cents francs, à charge pour la ville de choisir chaque année une rosière parmi les jeunes personnes pauvres de dix huit à vingt cinq ans, habitant Meulan depuis dix ans au moins et qui réuniraient une conduite irréprochable et laborieuse à une soumission respectueuse envers leurs parents. En cas d’égalité de mérite entre deux candidates la préférence serait donnée à celle habitant le Fort, lieu de naissance du Baron. L’élection était faite par un conseil municipal exceptionnel auquel on adjoignait des représentants de la société de bienfaisance, de l’Hôtel-Dieu…
Cette élection devait se faire le 2 mai, jour anniversaire de la naissance du Baron et le couronnement avait lieu le dimanche de l’Ascension.
La proclamation de la rosière ainsi que son couronnement devaient se faire et se font toujours en public, à l’Hôtel de ville et en présence des autorités municipales. Naguère, la rosière, dans les trois jours de son couronnement et accompagnée d’une personne au moins ayant pris part à son élection, devait aller déposer ” avec recueillement ” sur la tombe du général, dans le cimetière de Meulan, une médaille portant ces mots : ” Au général baron Létang, mademoiselle… rosière reconnaissante… ” .
Aujourd’hui, si l’on fait toujours graver la médaille, on la donne à la rosière car on ne peut plus la déposer sur la tombe du général : ” Par ce vilain temps “, comme disait Jacques Perret, on retrouve les médailles chez le brocanteur.

Le général baron Létang mourut à Ath (Belgique) en 1864. Conformément à sa volonté, son corps fut inhumé à Meulan ; sa tombe est toujours entretenue.
A son décès, sa veuve met tout en œuvre pour accomplir les dernières volontés de son mari et fait établir par Monsieur Lecomte, notaire à Meulan, un contrat de donation qui est l’acte de naissance de la Rosière de Meulan.

Le Baron attribuait une rente perpétuelle et annuelle de 500 francs pour financer ce couronnement et assurer une dot à la rosière. La donation ne fut signée qu’en 1867, mais dès 1866, la ville avait élu une première rosière, Joséphine Guédéville née en 1840, et qui donc transgressait dès l’origine l’une des règles fondamentales du Baron puisqu’elle avait plus de 25 ans.
La tradition s’est poursuivie, mais les conditions ne sont plus exactement les mêmes, l’idée de vertu étant chose changeante, bien sûr la donation du Baron est devenue caduque, bien sûr la préférence n’est plus donnée aux jeunes filles du Fort ; bien sûr la date d’élection et de couronnement peut changer suivant les années, mais le conseil municipal agrandi et exceptionnel, continue à se réunir pour élire la rosière. Celle-ci touche encore un viatique qui dépasse les 5000 francs, auquel il faut ajouter robe, chaussures et un bijou offert par les commerçants meulanais. Il y a peu de candidates, dit-on, entre 4 et 6 ces dernières années, mais lorsque l’on relit le registre de délibération consacré à cette élection, on s’aperçoit qu’il y eut dès l’origine très rarement plus de cinq candidates.
Il y eut quelques années sans rosière (1870, 1873, 1888, 1901, 1941) en raison d’une clause qui spécifiait que la rosière devait être élue à une majorité des deux-tiers et qu’il ne devait pas y avoir plus de deux tours de scrutin… Et ces années-là, le conseil municipal ne sut pas choisir !
En 1999, la ville de Meulan a invité au couronnement de sa rosière, toutes les villes de France qui maintiennent vaille que vaille, cette cérémonie traditionnelle, une soixantaine en tout. Une dizaine ont répondu et c’est ainsi que le cortège de 1999 comportait en ses rangs des rosières et des élus venant de toute la France. : celles et ceux d’Aubière (Puy de Dôme), de Bois-Jérome-Saint-Ouen (Eure) de Fontenay-en-Parisis (Val d’Oise), de la Mothe Saint-Héray (Deux Sèvres), de Montreuil-le-Gast (Ille et Vilaine), de Penne d’Agenais (Lot et Garonne), de Pessac (Gironde), de Rosny-sous-Bois (Seine Saint Denis), de Saint-Germer-de-Fly (Oise) et de Saint-Marcellin (Isère).

D’après un article de Claude Bourgeois paru dans l’Algérianiste et en grande partie le Guide Officiel de Meulan
Cet article a été inspiré des écrits de Madeleine ARNOLD TETARD, qui a été archiviste documentaliste de la ville de Meulan pendant 25 ans et qui a particulièrement bien étudié la vie et l’oeuvre du baron Létang.

Voir un article complet intitulé “Monsieur le Baron Létang” , extrait de ” L’île du Fort de Meulan ” Madeleine ARNOLD TETARD (2006 Editions M.A.T.)

Liste des rosières de Meulan

La liste des Rosières a été établie par Madeleine ARNOLD TETARD…
et a été tirée du livre publié par la mairie de Meulan en l’an 2000 aux éditions Hierlé.
Co-auteurs (Madeleine ARNOLD TETARD – Marie Claire BLONDEL – Pierre Jean TROMBETTA – Guy POIRIER) ,

Rosière napoléonienne
1804 : Julie GILBERT
Rosières de la donation Létang
1866 : Léonie GUEDEVILLE
1867 : Joséphine MARTEAU
1868 : Louise DEPRY
1869 : Louise PRIEUR
1870 : Estelle FORGET
1872 : Antoinette PILLIARD
1874 : Louise BELLENCONTRE
1875 : Joséphine MARCHETTI
1876 : Octavie HAUDOUX
1877 : Victorine VOISIN
1878 : Louise POTVIN
1879 : Marie LEGAY
1880 : Marthe CHAPPEE
1881 : Madeleine DECKER
1882 : Berthe PINCHEREAU
1883 : Julie NORMAND
1884 : Marie TUPPIN
1885 : Louise LUSSEAU
1886 : Augustine REDON
1887 : Marie HUAN
1889 : Mélanie HAMARD
1890 : Mélanie LEROY
1891 : Marie Julie PINCHON
1892 : Adèle LEVESQUE
1893 : Flore FRICOTTE
1894 : Louise ROSCIAUD
1895 : Céline LEBRUN
1896: Marie LEROY
1897 : Rose LEDANOIS
1898: Marie GEANT
1899 : Marie BERTHAUX
1900 : Adeline LETOURTRE
1902 : Henriette CHEZE
1903 : Aimée TREMOUILLE
1904 : Juliette PREAUX
1905 : Anette BOUILLOT
1906 : Hélène DUTERTRE
1907 : Modeste VITROU
1908 : Eugénie TAVERNIER
1909 : Marie JACQUEMIN
1910 : Louise BOURGAIN
1911 : Louise PLET
1912 : Marguerite DUVIVIER
1913 : Berthe MALLET
1914 : Raymonde POTVIN
1915 : Marie AUTIN
1916 : Lucie DUVIVIER
1917 : Marguerite LAGOUTTE
1918 : Angélique DECKER
1919 : Marie SIMONIN
1920 : Madeleine DANTARD
1921 : Lucie RABONIAUX
1922 : Germaine MARTEL
1923 : Julienne BROCHARD
1924 : Léonne COPPENIT
1925 : Suzanne SIMONIN
1926 : Madeleine CAUDRON
1927 : Geneviève MORISET
1928 : Fernande DAVID
1929 : SuzanneTHOMAIN
1930 : Fernande FOURNIER
1931 : Laurence DORDET
1932 : Odette ALBERT
1933 : Marguerite LONGÉ
1934 : Andrée LAURENT
1935 : Marie PAIN
1936 : Madeleine OZANNE
1937 : Geneviève CHAPRON
1938 : Raymonde HARNAY
1939: Odette CAMBIER
1940 : Denise SENECHAL
1942 : Paulette LESUEUR
1943 : Christiane LYET
1944 : Renée DANNE
1945 : Lucette LEBEL
1946 : Andrée PAIN
1947 : Sylvianne PRADIN
1948 : Jeannine MUTEL
1949 : Renée GUERIN
1950 : Denise LEROUX
1951 : Thérèse DECKER
1952 : Simone GILBERT
1953 : Yvette VINGTROIS
1954 : Renée GUERIN
1955 : Jacqueline SIMONIN
1956 : Josette BOUCHER
1957 : Monique URBIN
1958 : Christiane LEGRAND
1959 : Monique DARDART
1960 : Paulette BALLET
1961 : Nicole TRIPET
1962 : Huguette LAFORGE
1963 : Henriette TRUFFAUT
1964 : Nicole LONGÉ
1965 : Michelle DOULLÉ
1966 : Annick HEDÉ
1967 : Andrée POULAIN
1968 : Françoise LESAULNIER
1969 : Geneviève DUCHESNE
1970 : Colette MONGARNI
1971 : Béatrice PELLÉ
1972 : Christine GUETRÉ
1973 : Denise MAY
1974 : Liliane BRETON
1975 : Eliane PELLÉ
1976 : Sylvie SEHEUX
1977 : Sylvie BEQUET
1978 : Claudine BRETON
1979 : Sylvie CATHELIN
1980 : Catherine RIMBAULT
1981 : Sylvie LELEU
1982 : Christine MIGNOT
1983 : Valérie GAUGUET
1984 : Laïla MEBARKI
1985 : Muriel JOLY
1986 : Marie-Christine COHIN
1987 : Sophie GAUGUET
1988 : Caroline SAUQUET
1989 : Ana DA SILVA
1990 : Sandrine BALLET
1991 : Claire PORTZERT
1992 : Sophie SYLVESTRE BARON
1994 : Sylvie LIVET
1995 : Isabelle RIGAULT
1996: Cécile SUCAUD
1997 : Christine NUNES-LUIZ
1998 : Stéphanie CARRÉ
1999 : Peggy BARBEROT

 

La dernière rosière de Meulan

Le conseil municipal s’est réuni samedi 6 mai 2000 matin, en comité spécial, pour choisir la nouvelle rosière, qui devra succéder à Peggy Barberot au cours des prochains mois.
Avec pas moins de huit candidates, record de participation, le choix a été difficile. Le constat des membres de la commission chargée de recevoir et de sélectionner les jeunes filles est enthousiaste : ” Toutes les jeunes Meulannaises que nous avons reçues sont très engagées dans la vie de la commune, à travers les actions qu’elles mènent dans les diverses associations auxquelles elles appartiennent. Elles semblent également plus motivées que les candidates précédentes, leur candidature répondant plus à une réelle motivation personnelle qu’à une volonté parentale “.

Avec 19 voix sur 23, le vote est sans appel : c’est Cécile Perez, 21 ans, qui remporta le scrutin. Dynamique et engagée, cette jeune étudiante en biochimie à l’université de Cergy se dirige vers une maîtrise de sciences de l’environnement. Appartenant à l’association locale de défense de l’environnement Def’sit, elle n’en n’oublie pas moins les loisirs grâce à l’association Comedia danse.
Le sacre aura lieu en juin prochain, à l’occasion du marché de l’art organisé par la ville. (Le Courrier de Mantes – 11 mai 2000)

Depuis plusieurs années, la rosière fait bon ménage avec le grand marché de l’art, les deux manifestations sont donc groupées. Le samedi 3 juin, sur la place de l’Aubette, ils étaient plus de 100 artistes, venus de la région, de toute l’Ile de France, de province et de l’étranger à la rencontre d’un public friant de peinture, de dessin et de sculpture.

C’était aussi la journée de la nouvelle rosière Cécile Perez qui succéde à Peggy Barberot. Le matin, l’orchestre bavarois de la ville jumelle de Taufkirchen jouait, pour elle, une aubade devant la mairie.
A 16 h, accompagnée du maire de Meulan, elle faisait un tour complet des stands avant de coiffer la couronne et le soir, troquant sa belle robe de rosière contre un costume bavarois, elle présida avec grâce, la grande fête populaire organisée par le comité de jumelage à la ferme de Paradis.
(Courrier de Mantes 1er juin 2000 – Extraits)

Peggy Barberot, la rosière 1999 (au centre sur la photo)

Cécile Pérez restera à jamais dans l’histoire de Meulan. Cette jeune fille est la cent vingt-huitième rosière et elle sera la dernière. En effet, le maire Guy Poirier, qui pensait déjà depuis plusieurs années mettre un point final à cette tradition du siècle dernier, a profité du début de son nouveau mandat pour annoncer sa décision.
Feue la fête de la rosière, qui n’attirait plus grand monde.
Le maire, a rappelé que les rosières, encore plusieurs centaines après la guerre de 39-45, n’étaient plus aujourd’hui qu’une trentaine en France.
A la place, la ville souhaite instaurer un prix de la créativité qui serait attribué à un jeune ou à un groupe de jeunes Meulanais présentant un projet innovant pour Meulan.

Adieu la rosière, vive le prix Initiative jeunes

La dernière rosière Cécile Perès aux côtés des premiers lauréats du prix Initiative Jeunes.
Christine Nunes Luiz et Nicolas Salih sont les premiers lauréats de ce Prix, créé par la ville pour remplacer le legs Létang à la Rosière.

Christine Nunes Luiz, étudiante en sciences politiques à Nanterre, et Nicolas Salih, diplômé d’une maîtrise de physique, ont eu l’idée de créer un site web permettant de présenter Meulan et de donner toutes sortes d’informations pratiques sur la vie locale, les activités meulanaises, les associations, etc. Bref, avec eux, ce sera “Ma ville sur Internet”.

“Créer un site, ce n’est pas très original. Mais c’est un projet sérieux, tourné vers les nouvelles technologies et qui répond aux critères définis pour le Prix Initiative jeunes qui récompense un dossier innovant présentant un intérêt social, collectif pour la ville”, a souligné Pierre-Jean Trombetta, l’élu chargé de la Culture, qui a largement contribué à la mise en place de ce concours. Le prix (800 euros versés en deux fois) a été remis l’autre samedi, à l’occasion de la cérémonie des vœux.

Pour marquer la transition entre le legs du baron Létang et le Prix Initiative jeunes, la mairie avait invité Cécile Perès, la dernière rosière de l’histoire de Meulan, couronnée en 2000. Jeune étudiante dans le domaine scientifique, Cécile Perès s’est acquittée de sa tâche avec beaucoup de gentillesse et de disponibilité. “Tu as parfaitement représenté Meulan. Tu es pour toujours la dernière rosière de Meulan et ton nom restera gravé dans l’histoire de la ville”, a déclaré l’adjointe au maire Françoise Veldemann avant de lui remettre la médaille communale.
Le Courrier de Mantes – 23 janvier 2002 (extraits)

La promenade de Letang a Oran

Nous voici arrivés dans cette Promenade à laquelle nous associerons maintenant le souvenir d’un général, ami des jardins. Elle nous réserve son apaisant et amical accueil végétal.
Plusieurs allées étagées s’offrent à nous. Elles sont toujours à l’ombre de beaux arbres au feuillage permanent.
De ces balcons superposés et plus particulièrement du plus élevé on a, à travers les branches, des échappées qui sont de véritables tableaux panoramiques et dont les tons changent suivant la lumière du jour : le massif du Murdjadjo haut dans le ciel avec sa forteresse et sa chapelle couronnée à jour, le port et ses quais, les grands bassins, la montagne des Lions, caractérisée par sa silhouette de pyramide tronquée ; le cap de l’Aiguille…
Ce lieu charmant, gratifié autrefois de concerts de musique les jeudis et les dimanches, est le rendez-vous des retraités et des vieilles gens qui, soit sur les bancs, soit au pas lent de leur promenade, échangent des souvenirs de jeunesse. Quant aux jeunes qui s’y rencontrent, également nombreux, leurs sujets de conversation sont tournés vers l’avenir car leur coeur est gonflé d’espoir en des lendemains qu’ils construisent déjà dans l’Eden qui les entoure.
A l’angle de deux allées on voit, sur un socle, un buste en bronze ; c’est celui de la poétesse Jeanne Dortzal, née à Nemours, mais qui ne venait jamais à Oran sans faire une halte dans cette Promenade si propice à la rêverie.
C’est dans ce cadre, qui lui était devenu parfaitement familier, nous dit-elle lors d’une visite qu’elle nous fit, qu’elle écrivit des vers dont quelques-uns, évoquant ces lieux, sont aujourd’hui gravés sur le socle qui soutient son buste.
Mais il n’est nullement nécessaire d’être inspiré par les Muses pour goûter pleinement l’attrait de la Promenade de Létang qui sera un jour, peut-être, mieux accessible au public. C’est-à-dire lorsque pourront être réalisés les projets qui consistent à ouvrir largement une avenue prolongeant la Place Foch depuis l’Hôtel-de-Ville et débouchant, à travers la Promenade, sur le port et le vaste horizon du Nord.

A mi chemin de la rampe Valès, une allée ombragée incite le promeneur descendant vers la baie à se détourner de sa route. Il découvre du haut de ces terrasses un panorama grandiose ; sa vue plonge sur le port affairé, puis se perd sur la vaste rade, vers l’horizon bleuté, le long des hautes falaises pittoresques. La côte oranaise ne manque pas de grandeur, au soleil couchant. Hardiment accrochée au flanc de la falaise entre la rue de Turin et le Château-Neuf, c’est l’œuvre du général de Létang qui eut la haute main sur la province d’Oran du 10 août 1836 au 13 janvier 1837 et qui veillait, entre deux barouds, à l’organisation de cette cité naissante dont il tint en mains pendant quelques mois les destinées.
Quelques jours après son départ, le 21 janvier 1837, son successeur le général Brossart et le conseil municipal, décidaient de donner son nom à ce premier jardin. Il devait demeurer l’un des rares coins charmants d’Oran et connaître une vogue inégalée pendant de longues années. C’est le cas encore aujourd’hui. (mai 2005)

En février 1950, le paysage a changé. Une végétation généreuse recouvre le sol. Le lierre s’y est frayé un chemin, entourant les massifs de géraniums et de marguerites, étreignant les arbres, grimpant même le long des courtines de l’ancien fort. Les palmiers trouent le ciel ensoleillé d’un mouvement majestueux. Avec les ficus et les pins c’est l’Algérie qui se présente à l’étranger dès son premier contact avec la terre.
Jusqu’à présent, la promenade de Létang était ouverte la nuit, ce qui autorisait de regrettables excès. Des travaux en cours vont permettre de la clôturer et d’en réglementer l’accès. Des travaux de réfection ont été exécutés dans la grande allée du bas et l’esplanade du monument aux marins, un peu hâtivement sans doute. L’état du kiosque à musique accentue davantage l’impression d’inutilité qu’il offre. Et la fontaine de l’esplanade Est pourrait renaître à la vie.

Le 13 juillet 1954, la porte du Caravansérail déménage et sera reconstituée dans les jardins de la Promenade de Létang, le 6 avril 1955.
Les visiteurs peuvent découvrir dans la verdure un magnifique arc de triomphe.
Démembrée par les hommes de l’art, elle a été reconstituée dans un cadre digne de sa beauté formée de styles au mélange imprévu mais d’une incontestable valeur..

Le 14 novembre 1959, la municipalité prend une décision néfaste pour la vie de la végétation et la tranquillité des promeneurs. Afin de desservir rapidement et directement le quartier de la Préfecture et éviter les encombrements aux carrefours Marignan – Place Foch, rampe Valès et Bastos, la circulation des automobiles à travers la promenade de Létang a été décidée à titre d’essai. Seuls les véhicules de tourisme et les véhicules utilitaires de moins de 800 kilos de CU, seront autorisés à emprunter cette voie de dégagement. La circulation s’effectuera à allure réduite et en sens unique de la rampe Valès à la rue de Turin. Le stationnement y est interdit. Les portes seront fermées aux heures habituelles.
Heureusement cet essai sera de courte durée.

En 1951, le 3 janvier, la promenade connut un visiteur inhabituel : Une panthère.
Au Barnum’s Circus, au moment où les fauves sont conduits de leurs cages à la piste, une panthère trompa la vigilance de son gardien, d’un bond prodigieux renversa les grilles et se trouva au grand air qu’elle huma avec délices. Descendant avec nonchalance la rampe Valès vers le port et ne comprenant pas l’effroi des quelques passants qu’elle croisait, elle avisa un arbre à l’entrée de la promenade de Létang et sauta sur une branche maîtresse où elle s’installa.
Mais les gardiens du cirque accoururent et les agents de service organisaient un barrage empêchant le passage des voitures et des piétons. Le fauve pris au lasso regagna d’un pas fier sa cage comme si rien ne s’était passé.
Récits autour d’Oran (Edgard Attias – 2005)

Surprise littéraire : Jules Verne cite la Promenade de Létang dans un de ses ouvrages

Cette forêt d’Ourgla est l’une des plus spacieuses de la région, puisqu’elle ne mesure pas moins de soixante-quinze mille hectares. La route la traverse sur une longueur de onze à douze kilomètres. Largement percée pour les charrois que le gouvernement effectue à l’époque des coupes, elle permit aux touristes de se réunir à leur convenance. De joyeux propos s’échangèrent d’un groupe à l’autre. Et M. Dardentor de répéter, en quêtant des félicitations que personne ne lui refusa :
“Hein! mes amis, quel est le brave homme qui vous a conseillé ce délicieux voyage ?… Êtes-vous contente, madame Elissane, et vous, ma chère demoiselle Louise ?… Hésitiez-vous assez, cependant, à quitter votre habitation de la rue du Vieux-Château !… Voyons !… Est-ce que cette magnifique forêt ne dégote pas les rues d’Oran ?… Est-ce le boulevard Oudinot ou la promenade de Létang qui pourraient piger avec elle ?…
Jules Verne – Clovis Dardentor chapitre XIII

NDLR : Même si Jules Verne ou du moins un de ses personnages trouve la forêt d’Ourgla plus belle que la promenade de Létang, il donne par là même à celle-ci, la première place à Oran.
Certains mots sont surprenants venant de Jules Verne. Il leur donne une ancienne signification qui n’est plus utilisée de nos jours :
– ne dégote pas : n’a pas une meilleure allure que…
– piger : faire mieux que…. rivaliser…(On utilise encore ce sens dans l’expression “faire la pige” )

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