Les Lions de la ville d’Oran

La première pierre de la mairie fut placée le 14 juillet 1882.  Voici un aperçu de la cérémonie :
 

Aussitôt après la revue ( du 14 juillet), la foule se rendait en masse sur le chantier de la construction, place d’Armes.
M. le préfet, MM. Les généraux Thomassin et Détrie, M. le maire et presque tout le conseil municipal y assistaient.
La cérémonie a commencé par un discours très applaudi de M. Mathieu, puis on a procédé à la burlesque opération du scellement de la pierre :
Après avoir déposé dans le trou une boîte de plomb renfermant la plaque d’argent et un spécimen de quelques monnaies en circulation, chacun est venu frapper la pierre d’un coup de marteau ; c’était assez drôle et s’il est vrai que le caractère des gens se révèle dans les plus petites choses, il y avait pour l’observateur une curieuse étude à faire dans les différentes façons dont ces honorables maçons en habit noir se servaient de l’outil officiel : il y avait le petit coup timide du conseiller indécis qui vote avec la majorité, le coup sonore des conseillers qui font des rapports, le coup énergique des intransigeants, etc… On affirme ses principes comme on peut.

La construction de l’Hôtel de Ville fut achevée en 1888. Floréal Mathieu était maire à ces deux occasions.
Entre temps, le 4 avril 1886, le Conseil acceptait l’offre par laquelle M. Pierson au nom de M. Pallu, s’engageait à faire don à la ville de toute la matière première, en onyx choisi, de qualité supérieure, pour l’escalier d’honneur de l’Hôtel de Ville, avec rampe et balustres.
Les deux lions en bronze, oeuvre d’Auguste Cain, furent placés en 1888.

Pourquoi des lions ?

Dans un but décoratif ? Pour symboliser la force du roi des animaux ? Oui et Non.
En fait ces lions sont directement liés à l’une des significations du nom de la ville, ce qui est le plus vraisemblable.
Cette hypothèse couramment admise et diffusée largement est d’ailleurs tout de suite démentie :
En effet, les deux statues ont été placées en 1888, c’est à dire une cinquantaine d’années environ, avant que ne soit établie l’hypothèse sémantique de Wahran avec le sens de ” lions “. Il semble donc peu probable qu’un tel lien linguistique ait été établi auparavant.
Le rapport de ces sculptures avec l’étymologie de Wahran relèverait-elle, dès lors, d’un pur hasard ?
Le mystère reste entier et d’autres hypothèses sont encore à venir.
Il est à remarquer que déjà Cervantès, l’auteur de don Quichotte, citait dans “La petite gitane” une de ses nouvelles exemplaires, parues en 1613 : “Je te vois brave comme une lionne d’Oran”.

Auguste Nicholas Cain (1821-1894) est né à Paris le 10 novembre 1821. Il était un membre prolifique et très compétent de l’école animalière. Cain a étudié sous Rude, Guionnet et Pierre-Jules Mene dont il a épousé la fille en 1852, conformément à la tradition de ce moment-là.
Cain a également travaillé dans la fonderie de son beau-père, où une partie de ses plus grands animaux monumentaux a été moulée. D’autres ont été moulés par Barbedienne.
La première oeuvre que Cain présenta au salon de 1846 était un modèle de cire d’un Linnet défendant son nid contre un rat. Ce modèle a été plus tard moulé en bronze et de nouveau montré au salon de 1855. Il a présenté 38 modèles de 1846 à 1888. Parmi les récompenses gagnées, il y a une troisième médaille en 1851 pour son bronze d’un vautour égyptien, une troisième médaille en 1863 pour un bronze de vautour chassant des perdrix, et une troisième médaille à l’exposition Universelle de Paris de 1867 pour une famille de tigres.

Il s’est beaucoup concentré sur des animaux dans leur habitat naturel, particulièrement les carnivores, mais sculpta également un éventail d’animaux domestiques et de basse-cour. Ses travaux ont toujours été d’un grand réalisme, pas tellement dans la formation de l’os et du muscle qui était toujours bien modelé, mais dans l’attention aux détails des bases, qui incluaient invariablement un rat ou une tige de blé, et rarement seulement une touffe symbolique d’herbe ou un tronçon d’arbre.
Après 1868, Cain s’est concentré sur les monuments d’Etat qu’il a été invité à mouler. Les ” Chiens de meute ” au parc du Château de Chantilly, le lion et l’autruche dans les jardins du Luxembourg, et la Tigresse et le paon dans les jardins du Tuileries sont certains de ses monuments plus célèbres. Il a assuré la fonderie et les travaux de son beau-père, P.J. Mene, après sa mort en 1879, continuant à produire les travaux de celui-ci jusqu’en 1893.
Après la mort de Cain le 6 août 1894, la fonderie a été fermée et tous les Cain et modèles de P.J. Mene ont été vendus aux fonderies de Susse Frères et Barbedienne qui ont continué de les mouler au 20ème siècle.

Pour terminer cette étude, et d’après un témoignage qui mérite d’être approfondi, les lions de la Ville d’Oran ne sont pas des originaux, à savoir qu’ils n’ont pas été créées pour elle.

Recherchant des sculptures de lions, les édiles en ont trouvé à…. Paris, et ce sont des copies qui trônent de part et d’autre de l’escalier de la Mairie et qui d’après d’autres “on-dit” vont se promener la nuit dans la Place d’Armes pour se défouler les pattes.
Ceux de la Mairie de Paris sont aussi au nombre de deux et se trouvent devant l’entrée du n° 5 de la rue Lobau.

Mais ceux d’Oran ne sont pas tout-à-fait identiques. En effet, la queue du lion de Paris passe devant sur la patte arrière tandis que la queue du lion d’Oran se déroule derrière.

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